Salut à tous !
Dimanche, vous allez voter. Ou alors, vous resterez bien au chaud dans votre lit à faire des cochonneries, seul ou en bonne compagnie.
Mais vous êtes-vous êtes déjà demandés s’il existait des liens entre censure et politique ? Ou, pour le dire autrement, la censure est-elle de gauche ou de droite ? Y a-t-il eu des hommes (ou des femmes) politiques pour défendre la pornographie ? A priori, on peut se dire que la droite interdit et la gauche autorise. Mais qu’en est-il en réalité ?
Sans remonter au Roman de Renart, un des premiers livres porno censuré en France n’est autre que Sexus, d’Henry Miller, et il est interdit en 1950 par Jules Moch, ministre de l’Intérieur sous la présidence de Vincent Auriol, tous les deux appartenant à la SFIO – l’ancêtre de l’actuel Parti Socialiste.
À sa suite, la droite s’attaque de manière quasi systématique à l’éditeur frondeur bien connu Jean-Jacques Pauvert, le premier à publier sous son nom propre le marquis de Sade. Histoire d’O, et bien d’autres, passent sous les fourches caudines de divers gouvernement puritains. Mais aussi Notre-Dame des fleurs, de Jean Genet ; Le château de Cène, de Bernard Noël ; Lolita, de Nabokov, … La liste est interminable, entre la libération et l’après-68. Le point commun entre ces livres ? Eh bien, aucun, sinon qu’ils sont jugés obscènes, indignes, dégueulasses, par des moralistes de tous bords : de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, cachez ce con que je ne saurais voir ! Avec, toutefois, une tendance nettement plus affirmée du côté de Raymond Marcellin, resté célèbre pour sa brutalité et son conservatisme, et qui a légué à l’Histoire une liste de bouquins, revues et films jugés obscènes à faire pâlir tous ses prédécesseurs !
(Et leur autre point commun, en forme de pied de nez, c’est que beaucoup d’entre eux deviendront des classiques de la littérature, pas seulement licencieuse mais générale)
Et plus près de nous ? En 1972 Le nécrophile, de Gabrielle Wittkop ; en 2002 Rose Bonbon, de Nicolas Jones-Gorlin, un temps retiré de la vente, et bien d’autres menacés de l’être. Depuis quelques temps, ce n’est plus le gouvernement ni la police qui dresse des barrières entre les écrivains et leurs lecteurs, mais des associations bien-pensantes, catholiques souvent, flirtant avec l’extrême-droite parfois. Et quelquefois la presse : souvenons-nous des déboires du Baise-moi de Virginie Despentes avec le Nouvel Observateur – pas tellement un organe de droite, pourtant ? Et quand ça n’est pas les associations de cul-bénis ou la presse de bon goût, ce sont les grandes enseignes, qui refusent de mettre à la vente, ou qui planquent, invisibles, les ouvrages dégoûtants. L’Enfer ? L’opprobre, en tout cas, le sceau de l’infamie, ça, oui. En bref, tous unis pour tenir les ciseaux. L’obscénité, le cul, les odeurs fortes et les fantasmes inavouables, fussent-ils confinés dans les pages d’un livre, dérangent tout autant la gauche que la droite, à la même enseigne lorsqu’il s’agit de décider ce qui est bon pour les citoyens, ce qui est CULturellement acceptable.
Alors, votez pour qui vous voulez, ou bien ne votez pas si ça n’est pas votre truc, mais n’oubliez pas une chose : la liberté d’écrire toutes les cochonneries qui nous passent par la tête, et la liberté de les lire, n’est pas acquise ; elle est un combat de tous les jours qui doit unir les écrivains, les lecteurs, et tous les intermédiaires.
Et comme le dit Gabrielle Wittkop : « Ma seule morale à moi, ça consiste à ne pas emmerder les autres ! »
Christophe Siébert
Pour aller plus loin :
Cent livres censurés, d’Emmanuel Pierrat : http://www.lamusardine.com/P9310-100-livres-censures-pierrat-emmanuel.html
Histoires de censure, de Bernard Joubert : http://www.lamusardine.com/P8096-histoires-de-censure-joubert-bernard.html