LA PHARMACIENNE D'ESPARBEC ADAPTÉ EN BANDE DESSINÉE PAR IGOR ET BOCCÈRE

C’est la rentrée et ce blog reprend du service après une trop longe pause estivale !

La Pharmacienne est un grand classique d’Esparbec, qui raconte, dans une langue teinté d’humour noir et d’où les métaphores sont bannies, les adjectifs concrets, et les descriptions méticuleuses sans être délayées, les tribulations de Bébé, Laura Desjardins, Beau P’ et son cousin Ernest, dont les aventures constituent un vaudeville d’un genre nouveau, lubrique et facétieux.

Le dessinateur Igor et Boccère (oui, oui, il s’agit bien d’une seule et même personne !) vient de publier à La Musardine une adaptation fort réussie de ce roman-culte. Interview.

Christophe Siébert : Salut ! Alors, première question, pourquoi utiliser un pseudonyme, et est-ce que celui- là possède une signification particulière ?

Igor & Boccère : Aucune signification particulière. Les pseudonymes permettent une pluralité d’expressions dans des genres et sur des supports différents, sans interférence. Et, comme je n’ai pas de volonté de reconnaissance, je suis à même d’en créer autant que nécessaire, suivant ce que je fais.

Comment as-tu découvert la littérature porno ? À quel âge ?

A quel âge exactement, je ne sais pas. Ni plus tôt ni plus tard que les gens de ma génération je suppose. Par contre, au début de ma vie d’adulte, je me suis beaucoup intéressé à la littérature libertine. Les grands auteurs d’abord, puis les moins connus et les anonymes. Les ouvrages fameux, et les plus méconnus. L’érotisme m’est tôt apparu comme un espace de liberté absolue.

Est-ce que tu en lis beaucoup actuellement ? As-tu des auteurs de prédilection ? (À part Esparbec, évidemment !)

Je ne lis pas de l’érotisme en particulier. C’est pour moi un domaine de création plus que de récréation. Et quels que soient les genres, je n’ai pas d’auteur de prédilection… je ne suis pas un lecteur conquis d’avance.

Parle-nous un peu de ton parcours de dessinateur, si tu veux bien. As-tu fais des études ? Depuis combien de temps dessines-tu, es-tu édité, etc. ?

Comme tous mes collègues je crois, j’ai toujours dessiné. J’ai certes fait un début de parcours en écoles d’Arts, mais il fut bref : je ne me suis jamais vraiment adapté aux écoles. Je vais à mon propre rythme, avec les bons et les mauvais côtés que cela implique. C’est ainsi que je suis venu à l’édition sur le tard. Mais d’entrée par la pornographie. C’est La Cupulà, éditeur espagnol, qui m’a ouvert la première porte en 1993 /1994.

Tu ne dessines que de l’érotisme ou bien t’intéresses-tu à d’autres genres ?

Ma formation graphique me permet à priori de tout dessiner. Mais pour que le résultat soit plaisant, il faut que j’aie envie, il faut que le sujet me séduise. Je ne sais pas travailler sur commande si je ne suis pas véritablement sensible au thème proposé.

D’où te vient cet intérêt pour la bande dessinée érotique ? (d’ailleurs, tu préfères qu’on parle à ton sujet de BD érotique ou de BD porno ?)

En dehors d’une sensibilité personnelle précoce aux grands auteurs italiens des années 70, je n’ai pas d’intérêt particulier à la BD érotique ou porno. Ma créativité a un penchant naturel pour ce qui a attrait au sexe, aussi est-ce ce que je dessine. M’orienterait-elle vers des récits d’aventure ou d’espionnage, que je dessinerais des récits d’aventure ou d’espionnage. Quant à la différence entre porno et érotisme, elle m’importe peu. Si l’on part du principe que l’érotisme est plus acceptable que la pornographie (c’est une généralité simpliste, mais c’est un exemple) je préfère un porno réussi à un érotique raté. Ce qui compte à mes yeux, c’est la qualité et la sincérité d’une œuvre.

Je suppose que tu as aimé le roman d’Esparbec La Pharmacienne, que tu viens d’adapter en bande dessinée. As-tu communiqué avec Esparbec au fur et à mesure de ton travail ? Et pourquoi avoir choisi ce livre particulièrement ?

La Pharmacienne est un livre à part dans l’œuvre d’Esparbec. Il comporte de l’humour, c’est un Marivaudage. Le point de départ de l’adaptation en BD de ce roman, cest la volonté de l’éditeur Claude Bard de rassembler deux de ses auteurs aux univers érotiques différents (mais non sans points communs). Celui d’Esparbec est en fait assez loin du mien, mais il m’amuse beaucoup. De mon point de vue, Esparbec est à la littérature ce que Russ Meyer est au cinéma. Il déroule d’ailleurs les scènes pornographiques de ses romans avec un découpage très cinématographique. Mais pour l’adaptation, j’ai travaillé seul. Le fait que l’éditeur et moi partagions la même perception de l’ouvrage a rendu les choses assez simples.

As-tu eu des difficultés particulières pour réaliser cette adaptation ? Le style d’Esparbec est un mélange détonnant de vérité et d’outrance, à la fois sans tabou et toujours réaliste. Est-ce que certaines ambiances, ou certaines scènes, t’ont donné du fil à retordre plus que d’autres ?

Une fois l’option prise de l’accentuation de l’aspect vaudeville du roman (les portes qui claquent, les amants dans les placards, etc), quelques remaniements étaient nécessaires, ainsi que l’ajout d’une fin adaptée. Cela crée aussi une surprise pour les connaisseurs du roman, au risque d’en décevoir quelques uns. La principale « trahison » est la suppression d’une scène homosexuelle. N’y voir aucune homophobie de ma part, ni de celle de l’éditeur. Je m’en suis expliqué avec Esparbec, qui a tout a fait compris : la raison première en est le manque de place. Malgré les 64 pages de l’album, il fallait condenser le récit (le roman est assez long). Ce qui impliquait la suppression de certaines scènes, celles qui étaient le moins nécessaires à un récit linéaire. Celle-ci ne l’était pas. D’autres ont aussi été évincées, ou ont été intégrées différemment.

Y a-t-il d’autres livres d’Esparbec que tu as envie d’adapter ? Y en a-t-il de prévus ? Ou des livres d’autres auteurs ?

Concernant Esparbec, dont je ne connais d’ailleurs pas toute l’œuvre, rien n’est prévu pour le moment. L’adaptation d’autres auteurs, pourquoi pas. Il y en a plusieurs, notamment Apollinaire. Mais il s’agit là de vieilles lunes, dont la réalisation, un jour, est plus qu’incertaine. Pour être sincère, je préférerai faire de la création plutôt que d’adapter des romans déjà connus.

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?

Je ne fais plus ni pornographie ni érotisme actuellement. Mes cartons sont pourtant pleins de projets sur ces thèmes, avec une forte envie de les réaliser. J’avais beaucoup espéré de la reprise de Chambre 121, sous le titre Suite 121 (après dix ans d’interruption). Le premier tome était un pont entre l’univers narratif du premier et celui du second, pour ouvrir ensuite sur plusieurs tomes explosifs. Mais une suite à la Suite n’est toujours pas sur les rails. J’ai pourtant des chemins de fer tout prêts ! Un excellent accueil fait à La Pharmacienne permettrait peut-être de mettre de l’huile dans les rouages. Ce serait une bonne chose.

Merci !

Merci à toi.

Pour vous faire une idée plus précise de cette adaptation, voici une chronique parue sur critiquesLibres.com :

« Avec « la pharmacienne », Igor et Boccère (qui ne font qu’un) adaptent un des romans les plus connus, voire le meilleur (avec « la foire aux cochons » et plus récemment « le fruit défendu ») d’Esparbec, écrivain que j’adore. Ce roman est même repris dans l’anthologie des lectures érotiques de Jean Jacques Pauvert.
Après l’inoubliable « chambre 121 » (et sa « suite 121») et le moins bon «Voyage en profondeur », Igor & Boccère ont enfin eu l’honneur de décrocher un grand format couleur aux éditions «dynamite ». Rien que la couverture, qui reprend celle du roman publié en 2003 vaut le détour !
Igor & Boccère adaptent avec (presque) fidélité le livre d’Esparbec (encore que certains personnages passent à la trappe, comme le frère de Bébé, ou encore le cousin Jérôme qui est remplacé ici par un copain de fac, ou certaines situations – comme l’inceste et une scène homosexuelle entre Ernest et le frère, disparaissent purement et simplement dans la bande dessinée) et nous offrent une fin originale et drôle non présente dans le livre.
En tout cas, on y retrouve l’ambiance du livre où, au final, tout le monde couche avec tout le monde, et dans toutes les positions. Évidemment, les courbes généreuses et avantageuses de la belle pharmacienne sont parfaitement mises en valeur, comme je l’imaginais à la lecture du roman. C’est un ouvrage franchement pornographique, assez réussi, à ne pas mettre entre toutes les mains, servi par un dessin qui sans nul doute aurait gagné à être un peu plus soigné au niveau des visages des deux femmes. En effet, on confond parfois Laura, la mère, avec Bébé, la fille……. un peu comme les deux lascars de la maison, Beau et Ernest, en fin de compte !
Bref, une très belle adaptation que je recommande vivement. »

La Pharmacienne est une bédé éditée par les éditions Dynamite, disponible dans toutes les bonnes librairies.

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