Le premier roman de François Fournet, qui est aussi le premier titre publié par la collection Les Nouveaux interdits, paraît le 18 mars. En attendant, voici une première interview pour faire connaissance avec lui !
François Fournet, vous êtes l’auteur du premier roman de la collection Les Nouveaux interdits. Est-ce votre premier roman publié ?
Bonjour Christophe. En effet il s’agit de mon premier roman, je me suis dit que ça faisait un chouette point commun avec la collection.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire un roman pornographique ?
C’est surtout la section Récits Érotiques du forum Doctissimo dans laquelle j’ai puisé, vers mes quinze ans. C’était assez mal écrit la plupart du temps, mais j’aimais bien cette façon que des jeunes de mon âge avaient de mettre en mots leurs fantasmes. Après ça j’ai eu un PC (le mien je veux dire, pas celui sur le palier de la chambre des mes parents), et je me suis rendu compte qu’il y avait vachement plus à regarder que des filles en train de s’embrasser avec la langue sur Dailymotion. Tout un monde de possibles qui s’ouvrait à moi !
J’ai vite déchanté, en fait. Je me rappelle qu’au lycée, on parlait pas mal de vidéos de cul et tous mes potes étaient bien d’accord : transformer le visage d’une meuf en monochrome blanc, c’était grave le pied. Le truc de fou c’est que je me faisais traiter de tapette, vu que je ne kiffais pas plus que ça les gros plans sur les orifices distendus et les « you like it huh, you fucking [ton insulte anglaise préférée] ». Du coup je matais des trucs chelous, genre tout ce qui provenait du site Ifeelmyself ou d’autres dont je n’ai plus le nom, ça semblait un peu plus vrai. Après, il y a quand même moyen que ma main ait glissé sur une ou deux « huge penis best bj compilation » (rires).
Bref, en y réfléchissant tout ça n’était pas rose (façon de parler) : soit on trippe sur des vidéos où « domination » est le maître-mot, ou bien on galère pour dégotter quelque chose d’autre. Entendons-nous : je ne trouve pas la domination problématique dans le cadre de l’intimité. Au contraire, et pour peu que ce soit la façon de faire et de s’aimer de deux êtres. Le problème, c’est que dans le porno mainstream on ne voit que ça : la vidéo commence par la domination et finit par la domination, elle est presque toujours unilatérale et il n’y a pas le moindre hors-champ pour introduire de la tendresse, de la normalité, t’expliquer qu’après, les gens sont eux-mêmes et rigolent ensemble, même si le type se faisait gifler les burnes l’instant d’avant, la fille tirer les seins, etc.
On est face à un truc qui n’est absolument pas drôle ou innocent. Le porno, c’est comme une partie de baise au bout de laquelle tu tournes le dos à ton/ta partenaire. Donc je me suis dit que j’allais écrire quelque chose de joyeux, où tu as le droit de rire avant, pendant et après le cul. Où les personnages existent et sont autre chose qu’une chatte ou une bite, où ils peuvent se permettre ce qu’ils ont envie de faire sans se glisser dans la catégorie où tu veux les trouver… Du cul qui se laisse porter, quoi, avec des personnages dont la gueule te sera peut-être sympathique. D’ailleurs c’est l’avantage du support écrit : ils ont plus ou moins la tête que tu veux.
De quoi parle votre livre ?
De cul ! Enfin pas que, sinon ça contredit tout ce que je viens de dire. Banlieues chaudes parle de Malik, un type lambda qui habite à Stains depuis pas mal de temps. Il est au chômage, sa femme et ses gosses sont partis et il a bientôt fini la dernière saison de Game of Thrones. Il s’emmerde, en somme. Heureusement pour lui, entre deux brimades pour choper son vingt balles de shit, il va rencontrer une fille géniale : Yasmina. On s’en doute, ça va plutôt bien coller. Mais vu qu’il me fallait une histoire et que tout le monde s’en carre des gens heureux, j’ai glissé un dealer dans l’équation, une cousine dont la main de fer a oublié le gant de velours, des serruriers, des séquences d’infiltration et des interphones qui marchent mal. C’est encore mieux que Fast & Furious.
Pourquoi avez-vous choisi la banlieue comme cadre de votre roman ?
Parce que quand on pense « porno », on ne pense « banlieue ». On y trouve moins de paille pour s’y rouler, de riches patron.nes, de couvents, etc. Et parce que ça me faisait plaisir d’écrire sur le coin dans lequel je suis né, histoire d’en parler autrement qu’en faisant le compte des poubelles brûlées.
Y a-t-il un aspect biographique ? Est-ce que le fait d’inscrire votre histoire dans un contexte réaliste est important pour vous ?
Comme dit plus haut, l’aspect biographique se limite à la proximité entre Stains et Sarcelles.
Pour ce qui est du réalisme oui, c’était important. Je trouve fatigant le côté merveilleux dont on veut constamment enrober le désir (ici, je pense à divers blockbusters récents, supposément érotiques). Il faut du fric, il faut de la laque et du vernis – j’avoue que je ne comprends pas en quoi cet éloignement de la réalité peut alimenter le fantasme. Mélanger ces deux aspects (luxe et sexe épanoui) revient à les faire considérer de la même manière : inatteignables.
La sodomie est très présente dans votre livre, ainsi que les fluides corporels, qui y sont très abondants. Vous pouvez nous en dire plus à ce sujet ?
Tout à fait, j’allais rater mon brevet des collèges quand – non.
J’ai trouvé Malik et Yasmina extrêmement romantiques, dans le sens où leur envie d’aimer et de jouir ne tolère pas la médiocrité et les consume entièrement. Êtes-vous d’accord avec cette analyse ? Et, d’une façon générale, vous sentez-vous proche de vos personnages et de leur manière de vivre le cul et les sentiments ?
Si un des deux doit être romantique, ce serait plutôt Yasmina. Malik se laisse beaucoup porter, cette figure du mec paumé qui réfléchit beaucoup à peu de choses, mal à l’aise avec les femmes et par rapport auxquelles il ne sait pas se comporter, c’est le visage que je voulais lui façonner. C’est sur le tard que Yasmina va le contaminer. De son côté, elle est beaucoup plus impulsive, refuse de se faire marcher dessus (en tout cas pas trop longtemps) ; elle est plus « entière ». Ces deux opposés qui vont mutuellement s’influencer pour avancer bille en tête et avec fracas, c’est l’idée que je me faisais de mes personnages quand j’ai commencé à écrire Banlieues chaudes. Après, pour ce qui est de les consumer je n’irais pas jusque là. Bien sûr ils se perdent, enfin plutôt « s’abandonnent » l’un à l’autre, mais Yasmina comme Malik dégainent pas mal de piqûres de rappel à la réalité.
Je crois que mes personnages sont assez « normaux ». On trouvera peut-être leurs façons de baiser assez peu ordinaires, mais c’est le livre qui veut ça (quarante pages de missionnaire, c’est moins vendeur). De fait il m’est arrivé de trouver délirant ce que j’écrivais, et ça crée forcément une distance. Mais le bouquin avance, ils tombent amoureux, découvrent et éprouvent leurs corps, ont envie d’essayer énormément de choses ; j’imagine que c’est commun à beaucoup de gens et je ne fais pas exception donc oui, je me suis senti assez proche d’eux.
Parlez-nous un peu de vous et de votre parcours littéraire.
C’est surtout dans des revues que j’ai eu l’occasion d’être lu, d’abord et toujours au sein de la revue Violences, dirigée par Luna Beretta, puis avec le GoreZine ou encore Squeeze. Avant ça j’écrivais « dans mon coin », les revues ont été l’occasion de mûrir un peu. Ça a été l’opportunité de voir mes textes dans l’anthologie Violences qu’a sorti la maison Rivières blanche et que Luna Beretta et Artikel Unbekannt ont dirigée, un « vrai » livre avec mon nom dedans c’était quand même assez plaisant. À l’hiver 2018, La Musardine a sorti son Osez 20 histoires d’initiation sexuelle dans lequel je me suis retrouvé et c’était ma première publication payée. Je ne me rappelle pas ce que je me suis offert avec, sûrement pas grand-chose mais ça faisait quand même bien plaisir. Puis il y a eu le deuxième numéro du GoreZine, ça a beau être « juste » un fanzine à la base, il est tellement beau que je le compte allégrement parmi les bouquins où j’apparais. Et enfin, Banlieues chaudes.
Beaucoup d’auteurs choisissent d’écrire sous pseudonyme. Vous publiez Banlieues Chaudes sous votre vrai nom. Est-ce important pour vous ?
Je ne sais pas si c’est important. C’est un bouquin que j’assume et que je suis content d’avoir écrit. Je me suis posé la question au début puis je me suis rendu compte que, dans mon cas, recourir à un pseudo serait une forme d’excuse. Et je ne voyais pas de quoi je devrais m’excuser.
Faites-vous une différence entre érotisme et pornographie ?
Dans la définition oui, comme le Larousse (ça me fait penser que je ne les ai jamais lues). Dans la manière dont on le présente aujourd’hui, pas vraiment. Populairement, on a tendance à considérer que l’érotisme, ce sont ces textes où il ne se passe rien, où l’intrigue est lourde et bancale et dans lesquels on ne verra que des « virilités », des « intimités », des « féminités », des « bas du dos » et de la chair de poule sur tout le corps parce qu’un souffle chaud vient de nous chatouiller. Pardon, j’en rajoute sûrement mais personnellement je trouve ça plombant, ça revient à ne pas nommer les choses et les enjoliver.
Ce n’est pas une question de champ lexical, on peut très bien avoir un texte tout juste émoustillant avec des mots très crus, ou au contraire un texte à la limite du dérangeant avec un vocabulaire très chaste. Alors oui, il y a sûrement une différence, mais pas là où on la croit.
Avez-vous l’intention d’écrire d’autres romans pornographiques ? Quels sont vos autres projets ?
Autant que possible. J’ai déjà mon plan pour les cinq prochains. Il y aura Campagne enflammée, Chaude banquise, Montagne incandescente, Plage brûlante et enfin Banlieues encore plus chaudes. On ne va vraiment pas s’ennuyer à une seule seconde.
Concernant mes autres projets, c’est assez varié. J’ai passé une bonne partie des deux dernières années sur un roman dont le sujet est la prostitution masculine. J’en ai vu le bout il y a quelques semaines, le temps de laisser reposer et j’entame la relecture pour envoyer ça à mes éditeurs favoris. Sans rapport avec l’écriture, je planche pas mal sur deux projets musicaux en ce moment : TraumaKlax, un duo avec Hervé Love (qui publiera son premier roman dans la collection Les Nouveaux Interdits d’ici quelques mois), et un solo intelligemment appelé Dezeffe. Il y avait dans l’idée de lancer l’Érozine, un fanzine érotique dont le principe serait de recueillir divers fantasmes d’écrivains confirmés ou non, mais c’est en gestation de longue durée. Puis j’aimerais bien partir à la plage avec mes droits d’auteur, histoire de trouver l’inspiration pour Plage brûlante. Ou faire passer ça en note de frais.
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Ecoutez sa musique sur Soundcloud : https://soundcloud.com/dezeffe
Si le style des réponses vaut celui du bouquin, ça promet!