Entretien avec Gil Debrisac

Bonjour Gil, vous avez écrit de nombreux romans pornographiques et vous êtes un des incontournables de nos collections. Pouvez-vous nous raconter un peu votre parcours ?

 En 1993, écriture d’une courte histoire érotique de 35 pages format A4. Un an plus tard, en novembre 1994, monsieur Georges Pailler, alias Esparbec, me téléphone pour me demander d’en faire un roman de 200 pages pour février 95, soit quatre mois plus tard ! Alors instituteur, outre mes prépas de leçons, mes corrections de travaux d’élèves, j’ai travaillé d’arrache-pied jusqu’à pas d’heure pour satisfaire Esparbec qui me prédisait lui-même un bel avenir dans la littérature porno. Ce premier roman, toujours sur le marché, s’intitulait L’Esclave Blanche. Après ça, j’ai écrit une dizaine de Confessions et d’Interdits, qui étaient à l’époque vendus sous cellophane en grande surface. Il y a eu aussi bien entendu onze autres Sabine Fournier. Sans oublier les deux romans publiés au départ par Franck Spengler, aux éditions Blanche, intitulés La bourgeoise et Club privé. Le premier cité m’a même permis d’être interviewé par Brigitte Lahaie dans les studios de RMC à Paris en 2011.  

De quoi parle La Louve et l’agneau, votre nouveau livre ?

La Louve et l’agneau, est né dans mon imagination après avoir rencontré, comme le précise le texte de la quatrième de couverture, une autrice pornographique qui était éditée alors par Franck Spengler. Une longue amitié s’est alors installée, mais une amitié qui ne pouvait se partager que par l’écrit vu les quatre cents kilomètres qui nous séparaient. Lui ayant fait part de mon intention de nous mettre en scène tous deux dans un roman porno hyper épicé, et lui ayant fait part de quelques détails de l’histoire, nous avons réellement échangé un courrier (par la poste et non par mails) dans lequel nous nous écrivions des « choses salaces », en nous vouvoyant comme à l’époque du marquis de Sade. Ce courrier, que je garde précieusement, je l’ai inséré dans le roman. Et le début de ce roman reprend la rencontre entre elle et moi, telle qu’elle s’est passée à ce salon littéraire dans le Nord de la France. À cette époque, je dédicaçais des recueils de perles d’élèves (signés d’un autre pseudo) que j’avais publiés une fois ma carrière d’instit terminée. Il faut préciser aussi que je voulais montrer (comme le fait très bien l’immense réalisateur Paul Verhoeven) qu’une femme ne doit pas toujours laisser le terrain de la sexualité aux hommes et qu’elle peut parfaitement décider d’inverser le rapport domination-soumission.

Est-ce qu’il est difficile de trouver de nouvelles idées, de nouvelles histoires à raconter, de nouveaux fantasmes à explorer ?

Ce n’est pas évident, car quand un auteur constate que sa plume glisse facilement sur le papier (ben oui, j’écris d’abord mes idées sur du papier, dans un grand cahier avant de les développer, comme le faisaient les écrivains du temps jadis) dans un créneau bien défini, avec des rôles bien définis attribués de façon régulière aux personnages que l’on met en scène, il n’est pas facile de changer de créneau, de changer de fantasme si vous préférez. Mais c’est pourtant ce que j’ai réussi à faire dans La Louve et l’agneau. Et je suis sûr que cela va plaire à mes chères lectrices.

Vous considérez-vous comme un écrivain porno ou un écrivain tout court ?

Jamais, au grand jamais, je ne me considérerai comme un écrivain. Pour moi, un écrivain, c’est un homme, ou une femme, qui parvient à vivre de sa plume. Mais combien y en a-t-il en France, et en Belgique ? Très, très peu ! Je suis donc tout simplement un auteur, rien d’autre. Auteur de romans érotiques, pornographiques, mais aussi d’autres romans qui sortent sous un autre pseudo.

D’où vous vient cet intérêt pour les romans de cul ?

Cette idée m’est venue après avoir lu le roman Opus pistorum, d’Henry Miller, et Cruelle Zélande, de Jacques Serguine. Je me suis dit : « Pourquoi ne pas essayer ? » Et c’est parti. Bien sûr, par la suite, j’ai lu beaucoup d’autres ouvrages de Miller, mais aussi et surtout de Donatien-Alphonse de Sade, pour parfaire mon écriture. Sans oublier que j’ai lu pas mal de bouquins d’Esparbec, mais ici, je l’avoue, c’était surtout pour me différencier de son écriture. Georges s’illustrait par son style, je voulais imprimer le mien, plus romancé, tout simplement et sans prétention.  Georges en avait conscience, car il savait que je refusais d’être formaté. Je me considère donc comme un romancier érotique, ou pornographique si l’on préfère.

Pouvez-vous nous parler de votre quotidien d’auteur ? Écrivez-vous tous les jours ? Avez-vous, par exemple, des rituels d’écriture ? Combien de temps mettez-vous à écrire un livre ?

Le quotidien d’un auteur est plutôt particulier, étant donné qu’il n’y en a pas ! J’écris quand les idées foisonnent dans le cerveau, quand celui-ci va se mettre à bouillir si je ne le libère pas en écrivant tout ce qui me passe par la tête. Donc, parfois c’est le matin, parfois l’après-midi. En revanche, je peux dire que je n’écris plus dès 18 heures. Ben oui, mon cerveau est programmé. Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne veux pas rater une émission qui me permettra d’enrichir mes connaissances sur tous les plans, quels qu’ils soient, ni rater un bon film. Ah oui, j’avoue quand même : un film où il y a de très belles actrices, peu habillées, avec de belles séquences qui mettent en émoi, genre Basic Instinct ou très bientôt Benedetta, de Paul Verhoeven. Quant au temps qu’il faut pour écrire un livre ? Difficile aussi à préciser. Pour un Interdit, cela me prenait huit mois, parfois même un an. Pour La Louve et l’agneau, comme pour les autres romans que j’ai publiés aux Aphrodisiaques, il faut quand même compter un peu plus de temps si on veut rentrer un manuscrit absent de reproches, avec une histoire qui tient la route, et surtout une histoire dans laquelle l’intérêt du lecteur ou de la lectrice ne s’effilochera pas au fil des pages, des chapitres. Il faut donc toujours veiller à ce que soit présent un détail bien essentiel : que ce soit toujours excitant !

Vous aimez, je crois, explorer des thématiques extrêmes et considérées comme tabou, comme l’humiliation ou l’animalisation. Pouvez-vous nous expliquer votre attirance pour ces thématiques ?

L’attirance pour les thématiques extrêmes, humiliation, animalisation, transformation du corps pour faire naître l’excitation. À partir du moment où vous constatez que cela a fort bien fonctionné dans votre premier roman, eh bien, vous continuez sur la même voie, tout simplement. Automatiquement, vos fantasmes eux aussi continuent à aller plus loin, toujours plus loin, et on les écrit. Heureusement qu’on a l’écriture pour les faire passer, non ?

Qu’est-ce qu’une scène de cul réussie selon vous ? Quels sont vos méthodes, vos ingrédients secrets, vos « petits trucs » ?

Une scène de cul est réussie, selon moi, lorsque le lecteur (la lectrice) bande (ou mouille) tellement qu’il (elle) n’en peut plus, doit s’arrêter de lire pour se masturber. L’ingrédient pour décrire ce genre de scène reste toujours le même : faire croître l’intérêt pour que le lecteur, la lectrice, ne décroche pas, et donc en même temps faire monter le degré d’excitation. Au départ, toujours bien décrire le personnage, tant physiquement que psychologiquement, décrire aussi le mieux possible les sensations éprouvées avant, pendant et après la relation charnelle.

Dans un roman érotique, qu’est-ce qui est le plus difficile à écrire ? Les scènes de cul, ou bien les autres scènes ?

Le plus difficile à décrire dans un roman érotique, ce seront toujours les scènes de cul car il est essentiel de ne pas toujours tomber dans ce que j’appelle les « descriptions bateaux ». Si un auteur veut se démarquer par rapport à ses confrères ou consœurs, il faut parvenir à avoir un style propre, tout à fait personnel, afin de s’éloigner du conventionnel, de la description banale sans cesse rabâchée. Là se trouve le principal boulot.

Faites-vous lire vos manuscrit à des lecteurs (ou des lectrices) privilégiés, avant de l’envoyer à votre éditeur ?

Auparavant, j’avais effectivement une formidable lectrice, une jeune femme très portée sur le sexe étant donné qu’elle était elle-même autrice de romans pornos. Elle me donnait donc son avis très compétent sur les scènes que je décrivais et que je lui faisais parvenir, chapitre après chapitre. Pour des raisons personnelles, nous nous sommes perdus de vue. Avec le temps, avec la longue expérience que j’ai enfin acquise dans le domaine de la littérature érotique et pornographique, je parviens à peaufiner mon travail avant de l’envoyer à mon éditeur pour lequel j’écris depuis maintenant près de trente ans. Néanmoins, quand je relis, je ne peux m’empêcher de me poser régulièrement la question : « Se serait-elle enfiévrée en lisant ce passage, et aurait-elle fini par se masturber ? »

Dans votre dernier livre, La Louve et l’agneau, vous vous amusez à brouiller les pistes et les frontières entre auteur et narrateur, puisque votre héros porte votre nom. Comment vous est venue cette idée ?

L’idée de me mettre en scène n’a pas été facile. L’origine de cette idée date déjà de plusieurs années, et donc de plusieurs romans. À cette époque, même si je ne citais pas le nom de Gil Debrisac en tant que personnage, je me glissais néanmoins dans sa peau, je me prenais pour lui en quelque sorte. Ce qui, à mon humble avis, apporte une certaine facilité d’écriture. Puis, quand je me suis demandé si on pourrait un jour me le reprocher, la réponse est venue sans tarder : on n’a jamais reproché à Alfred Hitchcock d’apparaître de façon furtive dans chacun de ses films, pourquoi donc me reprocherait-on de me mettre en scène dans ce que j’écris ? Surtout qu’en agissant de la sorte, je parviens à rendre certaines scènes bien plus excitantes encore.

Quels sont vos futurs projets ?

Je travaille sur un gros roman dans lequel les personnages principaux sont de véritables « manipulateurs » pour satisfaire leurs vices. Ils vont même s’entendre pour satisfaire un « vice commun » sur la personne d’une très belle femme qui tire son propre plaisir d’être à ce point manipulée. Une manipulation qui sera poussée à l’extrême. Mais le lecteur, la lectrice, sera amené.e. à se poser la question : n’est-ce pas elle qui manipule tout ce petit monde en laissant croire le contraire, juste pour éprouver des jouissances de plus en plus sophistiquées et même inimaginables, et satisfaire ainsi un penchant enfoui au fond d’elle-même ?

Cliquez ici pour découvrir les premières pages de La Louve et l’agneau

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