CHAUFFÉE À VIF
Comme la majeure partie de ses contemporains, Laura était une adepte des applications de rencontre et consommait ses amants à grand renfort de swipes. Ses profils, savamment élaborés, étaient des machines à liker et elle n’avait littéralement qu’à le faire en retour pour attirer un garçon dans son lit. Elle prenait toutefois grand soin de ne pas révéler ses origines afin d’éviter les importuns. Fille de très haute extraction, elle aurait sinon attiré tous les coureurs de dot. Et c’est ce qu’elle voulait absolument éviter. Non. Elle préférait les histoires sans lendemain, celles que l’on pouvait vivre intensément sans avoir à communiquer son numéro de téléphone. Bien sûr, certains hommes avaient dépassé le cap du petit déjeuner, mais ils étaient rares. Laura privilégiait l’éphémère et savait renouveler ses aventures dans un cheptel virtuellement illimité. L’un des avantages de ses études dans la capitale et pas le moindre à ses yeux.
Laura était donc en quête de celui qui occuperait agréablement son vendredi soir. Mais, étrangement, personne ne l’inspirait. À croire que la crème des blaireaux s’était donné rendez-vous dans les environs, éloignant toute proie potentielle. Elle dislikait machinalement depuis un bon quart d’heure quand, subitement, une photo attira son regard. Le doigt en l’air elle retint un instant son geste pour mieux l’étudier. Brun, le cheveu court et la barbe bien taillée, il avait un type méditerranéen assez plaisant. Mais surtout, ce qui la frappa, ce fut son regard. Ce n’était qu’une photo de profil mais elle eut l’impression folle qu’il la déshabillait des yeux à travers l’écran, qu’il la possédait. Une douce chaleur envahit son ventre. Elle se sentit devenir liquide. Presque malgré elle, elle porta sa main à son entrejambe. Il lui fallait cet homme, il avait allumé un incendie qu’elle ne pouvait contrôler
De son index humide, Laura balaya son écran vers la droite. Puis sourit. C’était un match. Puis, quasi instantanément, elle reçut un message. Non content d’avoir une image troublante, Sacha savait écrire. Plutôt bien. Et, ce qui ne gâtait rien, il ne succombait pas à la facilité du tutoiement immédiat de la plupart de ses prédécesseurs. Laura, séduite, lui fit une réponse qu’elle regretta aussitôt. Quelle déclaration de midinette ! Elle qui, usuellement, menait les débats, se retrouvait complètement désemparée face à lui. Elle était à la fois furieuse et fascinée de n’être visiblement pas au sommet de la chaîne alimentaire. Mais se jura de reprendre les choses en main une fois qu’elle l’aurait en face d’elle. Pas question de se laisser mener de la sorte. Ce Sacha verrait bien à qui il avait affaire. Un vieux proverbe lui revint en mémoire : c’est à la fin du bal qu’on paie l’orchestre. Et Laura avait la ferme intention de rafler la mise.
La conversation avança rapidement sur la question de se rencontrer au plus vite. Il était pressé de la voir. Laura lui avoua qu’elle aussi. Elle le pria toutefois de respecter son choix quant au lieu du rendez-vous. Sans lui en donner la raison. Laura avait vraiment besoin d’un environnement dans lequel elle aurait ses repères tant elle se sentait déstabilisée face à cet homme. Mais, pétrie de fierté, elle ne voulait pas le lui avouer. Sacha fit mine d’hésiter. Il avait pour coutume lui dit-il d’inviter et donc de choisir. Elle retint son souffle. Il composa finalement un “OK” accompagné d’un clin d’œil. Laura soupira, à moitié rassurée. Elle ressentait une emprise impressionnante de sa part. Ils avaient pourtant juste échangé quelques mots et photos. Mais, et c’était plus fort qu’elle, Laura voulait reprendre le dessus. Il n’était pas né celui qui la mènerait par le bout du nez se dit-elle, sans réelle conviction. Ils convinrent d’un brunch dans les salons feutrés d’un palace parisien. En journée ce serait plus facile à gérer se dit-elle. Il lui laissa galamment l’initiative de la date. Laura proposa directement le lendemain si son planning le lui permettait. Elle regretta aussitôt son empressement. Pour qui allait-elle passer ? Trop tard. Il avait accepté et les nombreux emojis qu’il avait utilisés pour ponctuer sa réponse ne laissaient planer aucun doute quant à sa satisfaction. Au moins serait-elle vite fixée, quitte à le laisser en plan si d’aventure Sacha avait un comportement inapproprié. Elle fut surprise de cette forme de pruderie de sa part. Elle était une aventurière bon sang ! Laura quitta l’application, posa son smartphone et éteignit la lumière. Il lui fallait être en possession de tous ses moyens le lendemain pour affronter ce diable d’homme.
Laura dormit d’un trait malgré ses interrogations. Un des privilèges de sa condition. Elle avait été élevée ainsi, à ne jamais se laisser démonter. Ainsi, au réveil, fraîche et dispose, elle se sentait d’humeur à soulever des montagnes. Sacha n’avait qu’à bien se tenir. Il lui mangerait bientôt dans la main. Elle se prépara, le sourire aux lèvres.
Laura arriva au rendez-vous à l’heure dite. Elle fut légèrement décontenancée d’apprendre que son interlocuteur l’attendait. Il avait donc pris l’initiative d’arriver le premier. Laura trouva qu’il ne manquait pas d’air dans la mesure où c’est elle qui avait fixé les modalités de la rencontre. Son naturel reprit le dessus. Elle allait le lui faire savoir. Elle gagna le salon d’un pas décidé.
— Bonjour ma chère, pardonnez-moi mais je voulais m’imprégner des lieux avant de vous avoir en face de moi. Je tenais à ce que tout soit parfait pour cette première.
Son regard appuya le discours, accompagné d’une lueur de défi. Il jouait visiblement avec elle. Ce regard. Encore plus impressionnant que sur un écran. Laura se sentit légèrement mollir. Sacha était, de surcroît, encore plus beau que sur son profil. Et puis cette voix. Douce. Avec d’imperceptibles intonations étrangères. Elle marqua un temps d’hésitation.
— Mais je manque à tous mes devoirs ! Laissez moi donc vous débarrasser et prenez place.
Laura se laissa faire, touchée par l’attention et, pour tout dire, légèrement hypnotisée par son interlocuteur. Elle ne pensa même pas à lui tenir rigueur de son impertinence. Il agissait en terrain conquis alors que c’était son environnement à elle. Mais il le faisait avec tant de tact qu’aucune protestation n’était possible. Il avait poussé le vice jusqu’à commander avant qu’elle n’arrive. Jus d’orange, toasts avec beurre et marmelade, œufs à la coque et bacon pour chacun d’entre eux. Du café pour lui et un English Breakfast pour elle. Laura approuva silencieusement. Ils commencèrent par échanger quelques banalités d’usage. Puis Sacha changea de ton :
— Nous savons tous les deux pourquoi nous sommes là. Nous sommes, je crois, de la même race. Alors jouons cartes sur table. À voir votre décolleté, j’imagine qu’aucun soutien-gorge ne vient faire outrage au galbe et à la fermeté de votre poitrine. Et j’en viens à me poser cette question : avez-vous poussé le raffinement jusqu’à assortir votre haut et votre bas ?
Il n’avait pas cessé de la vouvoyer malgré ses propos extrêmement directs. Laura eut un sursaut. Elle espéra qu’il soit passé inaperçu sans se faire trop d’illusions.
— Pas cette fois, non. Je porte toujours une culotte à un premier rendez-vous. Ça me laisse le loisir de choisir si j’ai envie de l’enlever ou pas.
— Me feriez-vous le plaisir de me la montrer ? Je vous concède un manque cruel d’imagination à cet instant
Il se moquait ouvertement d’elle. Mais avec une élégance qui la fascinait. Mi-amusée, mi-furieuse elle répliqua :
— Pour quelqu’un qui manie si bien la langue, je vous trouve bien dénué d’idées et ce n’est pas ainsi que vous parviendrez à vos fins. Et, quand bien même je me trousserais pour vous la dévoiler, vous n’auriez pas l’angle de vision nécessaire et la table est un tantinet trop opaque. De plus, je vois une faute de goût dans votre mise assez surprenante pour la personne raffinée que vous semblez être.
Sacha la regarda, franchement dubitatif.
— Moi qui ai fait tant d’efforts pour être à votre hauteur. Dites moi.
Laura sourit. Elle avait repris un tant soit peu la main.
— Laissez-moi quelques instants je vous prie, je me dois d’aller quérir l’accessoire qui vous fait défaut.
Elle se leva et disparut en direction des toilettes pour dames. Sacha jubilait.Il avait une idée assez précise de ce que Laura allait lui ramener, sans toutefois saisir encore comment cela deviendrait un élément de sa tenue. Elle ne tarda pas à revenir. Elle se plaça derrière lui et, l’enlaçant, lui plaça la pièce tant attendue dans les mains.
— Il vous manquait une pochette Monsieur. Pour qui veut jouer les élégants en ma compagnie c’est une pièce absolument nécessaire. Je la pense assortie à votre tenue. Une chance !
En effet, le tissu rose pâle faisait un contraste ravissant avec son costume bleu et sa cravate grise. Elle reprit place en face de lui. Sacha porta l’offrande à ses narines :
— Je vous remercie pour votre présence d’esprit, je ne pense que trop rarement à en porter une. Et je constate avec un plaisir non dissimulé que vous avez poussé l’attention jusqu’à l’agrémenter d’une légère note parfumée qui ira, je pense, très bien avec ce que je porte.
Un point pour lui concéda Laura. Il portait en effet divinement bien Voyage d’Hermès qu’elle avait immédiatement reconnu et ses notes de musc blanc se mariaient parfaitement avec son intimité. Il fallait à Laura qu’elle enfonce le clou.
— Le parfum n’est rien sans le goût vous savez ? Et je vous sens suffisamment friand de mets raffinés pour vous en priver plus longtemps.
Sacha était à présent ébahi.
— Certes oui… Mais ici ? Maintenant ?
— Bien sûr. Vous permettez ?
D’une main autoritaire, Laura s’empara d’une des mouillettes de l’œuf de Sacha. Elle la fit disparaître sous la table. Puis commença à se tortiller légèrement sur sa chaise.
— La… hmmm… collecte de l’aaahhh… assaisonnement que je vous ooohhhh… propose n’est pas des plus aisée dans ma tenue mais… hmmm… elle n’en est que plus aaahh… agréable !
Puis elle lui tendit à nouveau le petit morceau de pain. Elle avait le rouge aux joues mais son regard brillait d’une lueur de défi.
— Tenez ! Je donne, paraît-il, du sel et du moelleux à tout ce que j’agrémente.
Il le trempa sans la quitter des yeux. Elle le regardait d’un œil inquisiteur. Lui, plutôt d’un air gourmand en portant la mouillette à sa bouche. Laquelle n’avait jamais si bien porté son nom. Il mastiqua doucement. Puis déglutit.
— Vous êtes décidément une femme de goût. Un goût remarquable me permettrai-je d’ajouter. Et je ne sais comment vous en remercier. Oh ! Mais j’ai un champagne millésimé au frais au deuxième étage. Me feriez-vous l’honneur de partager une flûte ?
Il lui prit la main. Laura sourit. Sacha avait donc tout prévu. Il était vraiment un partenaire à la hauteur. Elle souhaita que cela dure. Elle le suivit jusqu’à l’ascenseur.
L’arrivée à la chambre se passa quasiment sans autre forme de cérémonie. Ils étaient tous les deux bien trop éduqués pour se livrer à toute manifestation publique. À peine y eut-il une main légère, passée sur les puissants pectoraux de Sacha une fois qu’ils étaient dans la cabine. Ils le savaient, cette réserve affichée ne durerait que le temps de passer la porte et elle ne faisait qu’exacerber leur désir mutuel. Laura était moite. Elle aurait presque pu se sentir dégouliner le long de ses cuisses. Les petits jeux auxquels ils s’étaient livrés l’avaient mise dans tous ses états. Elle jeta un coup d’œil furtif à la braguette de son partenaire. La bosse qui la déformait la rassura pleinement quant à ses intentions.
Ils entrèrent. Et se libérèrent. Un baiser tout d’abord, long et sauvage, comme s’ils se dévoraient l’un l’autre. Avec science, Sacha s’était attaqué aux boutons du chemisier de Laura et, une fois ses seins libérés, les empauma fermement. Elle soupira quand il se mit à en agacer les pointes du bout des doigts. Elle aurait voulu lui rendre la pareille mais il ne lui en laissa pas le loisir, la soulevant et l’emportant jusqu’au lit. Une fois couchée dessus il s’attaqua au zip de sa jupe avec le même doigté. Il était décidément très adroit se dit-elle. Le dernier rempart de tissu qu’elle portait finit rapidement par glisser au sol. Sacha s’agenouilla alors entre les cuisses ouvertes et sa bouche s’empara du sexe offert. Laura constata très vite que les lèvres et la langue de l’homme qui la léchait étaient à l’image du reste du personnage. Autoritaires et inventives. Elle luttait à présent pour ne pas céder trop vite à son plaisir, voulant le prolonger au maximum. Soudain Sacha l’abandonna et se redressa. Laura en fit de même et ses mains s’attaquèrent voracement à sa ceinture et son pantalon. Elle ne fut pas longue à le libérer. Et quelle ne fut pas sa surprise. Sacha était assez grand et élancé mais son sexe, épais et trapu, n’était pas du tout comme elle se l’était imaginé. Une fois son étonnement passé, Laura n’en eut cure et entama de savantes caresses sur la hampe dressée. Quand elle le jugea à point elle s’allongea de nouveau sur le lit et le guida en elle. Elle était si bien lubrifiée que ses muqueuses avalèrent le pieu de chair malgré sa largeur.
Il commença à aller et venir en elle, doucement mais résolument. Sacha voulait visiblement prendre son temps. Laura n’était pas contre et prenait beaucoup de plaisir à cette pénétration. Cependant elle sentit assez rapidement son partenaire se contracter et le foutre jaillir en elle. Déçue de tant de précipitation elle s’attendait à sentir la queue mollir et l’abandonner. Mais, au contraire, Sacha reprit ses va-et-vient après un simple temps d’arrêt. Il n’avait perdu aucune vigueur pour le plus grand bonheur de Laura. Elle se laissa donc aller au plaisir que rythmaient les clapotis des deux sexes détrempés. Au bout d’un moment, Sacha lâcha une nouvelle salve. Laura, pas tout à fait repue, protesta. Sans mot dire, il prit ses jambes et les replia sur sa poitrine. Puis, bandant toujours aussi fièrement, il sortit d’elle pour se positionner sur son anus. Ils se fixèrent un instant. D’un bref battement de cils Laura donna son accord. Sacha s’enfonça alors d’une poussée rectiligne dans le cul offert. Elle poussa un cri de douleur et de plaisir mélangés. Il était parfaitement lubrifié par leurs fluides mêlés mais, du fait de son épaisseur, elle le sentait passer. Une fois entré, il fit une pause. Puis reprit ses allées et venues avec la même détermination que celle que Laura avait connue dans son con. Elle lâcha alors complètement prise, se laissant aller à un rôle d’objet sexuel qu’elle n’avait jamais connu jusqu’alors. Elle criait maintenant sa jouissance alors qu’il la pilonnait méthodiquement. Le raffinement initial avait laissé place à une bestialité qui se passait de mots. Sacha investissait tour à tour les trous de son amante sans fatigue apparente et ne perdit de sa superbe qu’au bout de la sixième décharge. Quant à Laura, elle enchaîna les orgasmes jusqu’à ce que, ivre de plaisir et de foutre, elle ne plonge dans un état semi comateux.
Quand elle finit par émerger, Sacha avait disparu. Elle eut un sourire amer. Malgré son apparente éducation il avait fini par se conduire comme le dernier des goujats en l’abandonnant après ce qui, pourtant, lui était apparu comme un bon moment. Laura se dit toutefois qu’elle allait le regretter. À la fois si gentleman au début puis si animal par la suite, il était un spécimen rare. Tant pis. Elle alla prendre une douche. Il faisait nuit maintenant et elle n’avait pas envie de regagner son appartement. Elle décida donc de profiter de la chambre.
Soudain, le téléphone sonna. Son père. Elle devait absolument regagner la maison familiale, sa mère étant souffrante. Vu l’heure il était hors de question qu’elle prenne un transport en commun. Qu’à cela ne tienne. Papa avait dans son carnet d’adresses une société de véhicules avec chauffeur. Laura n’avait qu’à lui dire où elle était. Définitivement redescendue, Laura mit de l’ordre dans sa tenue. Quelques minutes passèrent puis la réception appela. Son véhicule l’attendait. Elle descendit. La grosse berline était garée à la porte de l’hôtel. Laura s’engouffra par la portière. Le chauffeur démarra. C’est alors que Laura reconnut les yeux qui la dévisageaient dans le rétroviseur. Sacha. Elle eut envie de se jeter sur lui autant que de l’insulter. Mais restant maîtresse d’elle même, elle se contenta de lui rendre son regard. Sa profession expliquait son départ subit mais il ne perdait rien pour attendre.
Le trajet se déroula sans un mot. Une fois arrivés, Sacha sortit et lui ouvrit la porte. Le père de Laura l’attendait. C’était moins grave que redouté mais elle aurait probablement à faire fréquemment la navette pour veiller sur sa mère pendant qu’il serait en déplacement..
— Jeune homme, laissez-nous donc votre carte, nous aurons probablement besoin de vous bientôt.
Si papa savait à quel point c’était vrai…