Aretha, l’épouse de Daniel venait me chercher. Je lui ai dit que je descendais, et je suis passée dans la salle de bains pour me changer. Il y avait de grands cercles sombres sur mon jean, et ma culotte était détrempée. Surtout, j’avais envie de me soulager. Je ne pourrais pas tenir tout le dîner comme ça, avec l’envie de jouir et de me soulager dans le ventre. Ça a d’ailleurs été très rapide. Je suis venue pousser sur mon gland clitoridien et l’orgasme, puissant, qui m’a traversée et a traîné sur moi, a été aussi puissant que ce moment dont j’avais été témoin.
J’ai eu la surprise de découvrir, à la table, outre ce dernier, des gens que je connaissais, membres de groupes basés sur la Nouvelle-Orléans, ils ont d’ailleurs été surpris que je me déclare fan, après les avoir indentifiés, et aussi des personnes que je ne connaissais pas. Ça a été un dîner très joyeux. J’étais calé à côté d’Aretha, et j’ai fini par lui poser la question qui me taraudait :
–Tu as des éléments sur cette maison ? Son histoire ?
–Elle est restée inoccupée pendant une vingtaine d’années…Te dire quand elle a été construite…Je pense au début du 20ème siècle…Je connais deux parties de son histoire.
–Lesquelles ?
–Dans les années 40 et 50, de riches hommes d’affaires l’avaient acheté, et ils y avaient installé des jeunes femmes. Des courtisanes en fait. Ils étaient mariés et avaient des enfants, mais, ils étaient fous des corps de jeunes femmes noires, de leur peau douce, de leurs formes marquées. Ils les entretenaient, leur donnaient de l’argent pour manger, s’acheter des toilettes. Les avoir ici, dans cette maison, leur permettait la discrétion, aussi bien pour leur réputation que parce que la ségrégation n’était pas un vain mot à cette époque.
Je comprenais mieux de la sorte les paroles de la jeune femme.
–Je sais que plus tard, il y avait un homme qui a habité dans cette maison pendant dix ans. Il avait une compagnie de taxis. Sa femme avait perdu la raison, mais il ne voulait pas la mettre à l’asile, alors il la gardait et la faisait garder chez lui. Il est mort, et on dit qu’elle a été récupérée par sa famille.
On s’est couchés tard, mais je me suis réveillée tôt. Je me sentais pleine de vitalité, je voulais surtout profiter de tout. Pas seulement de l’expérience de Daniel, mais aussi des images, des sons, des couleurs, de cette ville magnifique que je ne reverrais peut-être jamais.
Et puis bien sûr, il y avait ma découverte de la veille.
En sortant de ma chambre, encore en chemise de nuit, j’étais sûre que le passage était ouvert.
C’était bien le cas.
Je suis descendue. Avec la crainte de ne pas les retrouver.
Il n’y avait, quand je suis arrivée, que la jeune femme qui s’inquiétait de ne pas voir son amant arriver et qui avait été à la fenêtre. Elle était toute nue, et j’ai pensé qu’elle devait, comme elle sortait sans aucun doute rarement, passer la plupart de son temps à poil dans la maison, sans voiles. Elle rêvassait, pensant à je ne savais trop quoi. En même temps, elle avait la main sur son sexe et le tiraillait doucement ses lèvres, sans que ça lui procure apparemment d’excitation. Ce qui n’était pas mon cas. C’était vraiment troublant de la voir ainsi se caresser, mais aussi, plus simplement, de partager son intimité.
Elle a fini par se lever et elle est passée dans la salle de bains attenante. Il n’y avait pas de douche, mais une baignoire. Elle a tourné les robinets, la remplissant à moitié. Il y avait quelque chose d’extrêmement gracieux dans la manière qu’elle a eu de se laisser glisser dans l’eau. Elle s’est allongée, détendue. Elle était rêveuse, emportée ailleurs, et pourtant, il y avait une grande tristesse sur son visage.
Elle s’est finalement redressée, revenant à la réalité. Il y avait un gros pain de savon sur le rebord de la baignoire. Elle est sortie de l’eau, s’est mise debout, et toute ruisselante, elle a entrepris de se savonner. Elle a pris son temps, dans des mouvements lents, longs, et d’une sensualité innocente, puisqu’elle ne cherchait pas à provoquer l’excitation de quelqu’un. C’était fascinant que de la voir ainsi couvrir sa chair d’une mousse crémeuse. Elle a insisté sur ses seins, dont j’ai vu les tétons se tendre, sur son pubis et son sexe, dans une insistance qui cherchait le plaisir mais sans la jouissance. Elle s’est laissé de nouveau glisser dans la baignoire pour que l’eau la rince.
C’est à ce moment qu’il s’est produit quelque chose de particulier.
Il y avait un grand miroir au fond, et un miroir plus étroit près de la porte, et qui faisait face à la baignoire. Je me voyais dans le miroir, ce qui me paraissait étrange. J’ai pensé qu’en fait, il devait toujours être présent, je n’avais pas visité toutes les pièces, et donc avoir une réalité. Et je voyais aussi la baignoire, et son dos.
De la sorte, mon image se reflétait dans le miroir étroit qu’elle avait en face d’elle.
Et, c’était une certitude, à ce moment, elle me voyait.
J’ai reculé dans l’ombre. Elle est restée un moment perplexe, perdue.
Moi aussi, j’étais perplexe, et perdue. Décontenancée. Pour moi, il n’y avait aucun doute, nous appartenions à deux mondes qui ne pouvaient aucunement communiquer. Comment cela était-il possible ? Le miroir ? Ou alors le reflet du miroir ?
Elle s’est sortie du bain et a attrapé une serviette, s’essuyant avec des gestes aussi sensuels.
J’ai choisi de m’éloigner. Je craignais qu’elle me voie tout le temps, maintenant.
Je suis partie dans l’interminable couloir.
Il semblait qu’il y ait une correspondance temporelle. Le soir dans un monde, c’était le soir dans l’autre, le matin dans un monde, c’était le matin dans l’autre.
Contrairement à la veille, et sans que je sache réellement pourquoi, j’ai pu voir ce jour plusieurs filles, quatre, ainsi que deux hommes, leurs protecteurs.
Il y avait deux points communs aux filles, elles étaient toutes métisses, croisées avec des blancs, et donc la peau plus claire. Leurs protecteurs auraient-ils été avec des filles à la peau vraiment foncée ? Des métisses, c’était l’occasion pour eux d’être dans la droite ligne de leurs ancêtres, qui avaient engrossé, sur les plantations, ils avaient peut-être même, sans le savoir ou en le sachant, des liens, telle ayant pour père un arrière-arrière-cousin, un grand-oncle…Le deuxième point commun c’était qu’elles étaient toutes nues. L’occasion d’admirer leurs corps, et d’être troublée comme on pouvait l’être quand on aimait les corps de femmes. J’en ai percuté une, qui sortait d’une chambre, mais, même si elle a perçu quelque chose, elle ne m’a pas vue, ni compris ce qu’elle avait heurté.
Et puis j’ai vu deux hommes faire l’amour avec leurs protégées. Jeunes tous les deux, mais de silhouettes et de traits différents. Le premier était dans une chambre avec une fille très élancée, fine, des petits seins, une croupe haute, rebondie, volumineuse. Elle était assise sur l’homme, et son sexe enveloppait le sien…Elle donnait de petits coups de reins, pour caresser sa queue. Comme je savais qu’ils ne me voyaient pas, et que j’étais une grosse voyeuse, je me suis approchée. Les fesses de la métisse bougeaient en suivant son rythme. Je les ai contournés, et j’ai aperçu la queue, enveloppée d’un préservatif, c’était déjà ça, qui apparaissait et disparaissait. La fille a fini par se soulever, et elle l’a masturbé vivement. Il a lâché un râle, et il s’est vidé dans le latex.
Dans une autre chambre, c’était différent. L’homme était assis dans un fauteuil, habillé d’un costume élégant, mais il tenait au creux de sa main une queue en pleine érection, impressionnante, qu’il masturbait, d’un geste lent, en regardant les deux filles, qui, installées sur le lit, s’embrassaient et se caressaient. Entièrement nues, elles se donnaient l’une à l’autre. Peut-être parce que j’étais une femme, elles m’ont surtout semblé être de bonnes comédiennes, contrairement aux filles que j’avais vu la veille. Mais là, il s’agissait d’une mise en scène. Celle de gauche bouffait les seins de sa copine, tandis que cette dernière lui avait enfoncé deux doigts dans la chatte et les faisait aller et venir. Pas étonnant que le gars ait une queue bien dure. Elles ont fini par descendre du lit et elles sont venues autour de lui. Elles ont pris sa queue, en se partageant le terrain. Courtisanes qui étaient là, en attente d’une visite, elles se donnaient à fond dans l’acte sexuel, avec sans doute la peur au ventre de se retrouver répudiées. Leur vie était-elle un paradis ? N’étaient-elles pas prisonnières ici? C’était sans doute mieux que de se prostituer dans la rue, à la merci de la misère et de la violence. L’homme semblait apprécier ces langues qui tournaient simultanément sur plusieurs parties de son appareil génital, ces bouches qui prenaient son sexe pour des aller-retours. Guidée par sa partenaire qui a posé une capote sur la queue, l’une des deux filles est venue s’emmancher sur le sexe et s’est mise à bouger dessus.
J’en avais assez vu. Je suis repartie sur mes pas, et je suis remontée à l’étage.