PIXELS

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Richard Trois


polarsoft


PIXELS  A  –   AMPHIGOURI

Si j’étais un vrai écrivain , je me lèverais tôt pour allumer mon ordi et coucher sur le papier mes pensées érotiques  et fiévreuses . Les mots s’allongeraient sur l’ écran , et les filles de  pixels qui cherchent à me faire bander toute la nuit seraient étendues lascivement sur mon lit .

Mais je me couche tard , beaucoup trop tard , car les appels infinis du net me harponnent sans cesse . Les nuits se suivent et se ressemblent . Des bouches et des sexes qui mouillent et s’ouvrent , bandent et turgescent , vont et viennent , ressortent et disparaissent , crachent et avalent .

Endormi tard , je me lève déjà fatigué . Je ne suis pas un écrivain , juste un mateur de l’agitation du monde . Un peu fainéant , même pas asocial ,  parfois hésitant , souvent rêveur , à peine branleur , un vrai SVF ( Sans Volonté Fixe ) .

Et dire que je suis dans la force de l’âge . La quarantaine , mais pas rugissante . Les filles détournent les yeux quand je mate leurs seins , leurs jambes , ou leurs fesses . Je ne les émoustille pas . Elles sentent en moi le tâcheron , le raté , le pauvre , le minable , le loser . A la radio j’écoute un débat sur la vie sexuelle des Français , qui serait totalement débridée . Trop frustrant , je mets un C.D cool , un vieux Roxy Music , Avalon(s) . La musique m’ apaise , douce et chaude à la fois , sensuelle .

J’ai encore bourlingué toute la nuit sur le net . Grosse mer , océan déchainé , vagues écumantes cherchant à m’engloutir . Katsuni , Mia Khalifa , toutes mes idoles du porno aux noms en Love , n’ont eu de cesse de lécher , de sucer , de branler , d’ enfouir dans leurs mains , leurs bouches , leurs culs ou leurs chattes rasées des kilomètres de bites improbables . De boire des litres de spermes crémeux .

Rien n’y a fait , je n’ai eu envie que de pisser !

— Sans doute un problème de prostate , m’a un jour expliqué ma toubib , adorable au demeurant , belle comme un ange ( ma toubib , pas ma prostate ! ) .

Et de me prescrire un toucher rectal , alors que je rêve de baiser , pas de me faire enfiler un doigt dans le cul , fusse par un spécialiste . Ah , si le coït était remboursé par la Sécurité Sociale , voilà qui serait un vrai progrès de société !

— Alors Mr Richard , je vous prescris dix séances de baises endiablées avec une professionnelle agréee par votre mutuelle , vous la choisirez selon vos goûts .

— Merci Docteure .

— Vous verrez , de vider vos burnes , ça fera remonter votre moral ! Avez-vous votre carte Vitale ? Merci .  Cela fera trente euros .

— Pourriez-vous me faire le tiers-payant ? Je suis un peu juste en ce moment …

— Pas de problème , Mr Richard , répliquerait-elle avec un léger sourire .

Putain , Mr Richard , un nom parfait pour un fauché chronique , non ? Pas écrivain , célibataire , pas de Rollex       en or à mon poignet . Vous pensez tout de suite chômeur et alcoolique . Un sans-dents incapable de traverser la rue pour trouver du boulot . Une cloche , un rebut de la société , un SDF mal lavé et puant .

Mais Halte-là , Lecteurs et Lectrices hypothétiques mais déjà chéri.es , j’ ai ma dignité ! Fauché , mais propre . Fainéant peut-être , mais par manque de Clients . Alcoolo sans doute , mais avec une Raison Sociale :

Richard R.  RICHARD                                                                                                                                                                Détective Privé                                                                                                                                                                              Enquêtes en tous  genres   Filatures                                                                                                                                Recouvrement de Créances                                                                                                                                                          Discrétion  Assurée

Tous les matins je crache sur ma plaque de cuivre pour faire reluire les Majuscules avec le revers de mon blouson . Avant de passer le reste de la journée sur des dossiers aussi miteux que moi . ( Qui se ressemble s’ assemble , je sais , merci ! )

La sonnette de  l’ agence  tinte . J’ entends la porte s’ ouvrir et se refermer doucement . Encore une épave qui vient s’ échouer sur ma plage , rêvant de voir s’ accomplir le Grand-Oeuvre de la Transmutation du sable en Or .C’ est parti pour lui caresser  l’ espoir dans le sens du portefeuille . J’ attends cinq minutes pour me lever . Faîtes semblant d’ être débordé.e de  travail , et vous entendrez bientôt le chant suave du tiroir-caisse , parait-il .

Si  seulement  ….

 

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